1. Pas toutes les danses de l'Inde
Le sous-continent connaît beaucoup de différentes traditions de danse, certaines sont d'origine indigène, d'autres montrent une influence étrangère plus ou moins évidente. Parmi les traditions indigènes, il y a :
- Danses sacrées, souvent liées au temple, partageant une esthétique commune et ayant une technique sophistiquée.
- Danses tribales. Elles ont parfois une fonction rituelle, comme les danses du numéro 1.
Les danses d'origine étrangères, ou trahissant de fortes contributions étrangères dans leurs fondations, comprennent :
- Les créations modernes d'influence occidentale de la société urbanisée.
- Le grand corpus de formes folkloriques d'inspiration moyen-orientale trouvées principalement dans les régions nord-ouest.
- Des formes de danse, telles que le kathak, provenant des cours mogholes ont des origines mélangées. Elles dérivent partiellement de la tradition du temple Indien mais sera considéré avec précautions puisque leur technique et contexte doivent aussi beaucoup à la culture moyen-orientale.
- La danse qui est utilisée dans les films commerciaux comme les productions Bollywood. Ce style de danse dérive lui-même des trois traditions précédentes 3, 4 et 5.
Nous ne devrions faire aucune confusion entre ce que nous nommons danse indienne et ces quatre sortes de danse. Les danses 3, 4 et 6 ne sont d'aucune pertinence dans le propos qui nous occupe. La danse 5 peut parfois prendre des formes intéressantes selon le contexte, le style, l'artiste. Cela est dû à son arrière-plan hindou.
C'est dans les danses de la première catégorie (1) que réside la matière qui nous intéresse. Ces danses peuvent avoir diverses formes et existent dans des lieux épars du sous-continent indien, du Népal au Sri Lanka. C'est dans la partie méridionale du sous-continent que cette tradition est la mieux représentée aujourd'hui. Il faut garder à l'esprit, toutefois, que ce serait trop simple de retenir cette catégorie comme notre danse indienne. Une raison est sa situation actuelle. Elle a subit un grand déclin dans l'ensemble du sous-continent. Au travers d'un processus d'acculturation, son rapport avec l'organisation sociale et rituelle indienne a diminué pendant que les danses mogholes et folkloriques étaient en train de devenir la norme. Les danses de temple prenaient un rôle moins important dans la culture indienne. Elles devenaient moins prédominantes. La colonisation britannique se contenta d'achever la tradition de temple. Les déwadasi, ces danseuses au service du rituel de temple, ne pouvaient plus remplir leur fonction sacrée. C'était une grande perte pour les danses de temple. Il y a eu un renouveau, mais souvent artificiel et mené par une volonté extérieure, ne venant pas de la vitalité spontanée de la tradition. La plupart des danses aujourd'hui sont exécutées HORS CONTEXTE : elles ne se font pas dans le temple (le lieu d'où elles sont venues), elles servent plus souvent un but académique qu'un but rituel, l'auditoire est occidentalisé bien qu'il puisse ne contenir que des Indiens. Une fois décontextualisée, la danse peut facilement être trempée dans l'esthétique moghole (surtout la musique et le costume) avant d'être exportée et adaptée aux formes académique, intellectuelle ou de concert.
En parlant de ces reconstructions, les noms auxquels nous sommes le plus habitués comprennent bharata natyam, odissi, kathakali. Quoique de tels noms peuvent être utiles en donnant des indications dans quelle région de l'Inde on se situe, ce sont des dénominations simplifiées et artificielles. Comparées à la longue durée de la tradition de la danse indienne, ces dénominations sont relativement récentes bien qu'elles prétendent définir les danses standard de l'Inde. Elles reflètent une approche académique européenne de l'art, une approche dans laquelle la danse indienne devient une expression classique. Pour être plus précis : en Inde, classique veut dire mort et fossilisé.
Il y a, en revanche, des traditions de danse ininterrompues qui ont survécu le déclin general. Un exemple est le théâtre kudiyattam du Kérala. Il ne se fait pas connaître au public parce que son contexte n'est pas la salle de récital mais les temples de village. Il est destiné au rituel et à un auditoire de passage ou insouciant. Le kathakali est une dérivation récente du kudiyattam. Le bharata natyam lui-même est derivé du dési-attam. Le kudiyattam et le dési-attam entrent dans l'éntendue de notre danse indienne. Le kathakali et le bharata natyam peuvent aussi avoir un intérêt quand ils prennent vraiment des formes et qualité authentiques. La danse de temple du Sri Lanka a la même origine que le bharata natyam mais a mieux gardé la qualité de la danse originelle. Le Népal maintient aussi une forme intéressante de danse. On voit déjà que danse indienne contient non pas les quelques six étiquettes stéréotypées mais leurs sources à partir desquelles elles ont été ranimées ou reconstruites. Il est significatif que le Népal et le Sri Lanka sont aux deux extrémités du sous-continent indien.
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